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Chapitre XIII : Où l'on ne va pas par quatre chemins pour se remettre en selle

Le 13/04/13, par Mic.

Après avoir échappé aux Wahbits, puis aux Pirates et aux Kannibouls, après avoir survécu à un périple en mer à dos de Bouftou, nos héros étaient parvenus sur une île qui semblait déserte. Ils auraient pu s'y reposer, mais à peine arrivés à terre, voilà qu'ils se sont faits avaler par un Craqueleur géant se réveillant de son petit somme de quelques centaines d'années. Trop occupés à s'envoyer des piques, ils n'ont pas réagi à temps pour s'enfuir. Le Iop n'a d'ailleurs pas du tout compris la situation et il n'a commencé à s'interroger qu'une fois arrivé dans la cavité buccale du monstre de pierre.

Le Iop demanda à nouveau :
— Non, mais sérieusement, qui a éteint la lumière ?
— Quelqu'un se dévoue pour lui répondre ? soupira Lirufec.
— Écoute, tête de cierge, c'est toi qui n'es pas une lumière, répliqua Domy. On est dans la gueule d'un monstre de pierre. Si tu as un peu d'intelligence, tu nous sors des pierres à feu et on se fait une torche pour trouver une issue.
— Tu parles de ça ? dit le Iop en sortant de sa poche deux petits silex.
Il fit une étincelle en les frappant l'un contre l'autre.
— Mais d'où tu sors ces pierres ? s'exclama Mortimer.
— Ben, de ma poche, répondit Kevlhard.
— Non, mais depuis quand tu as ça dans tes poches ? reformula l'Osamodas en essayant de dissimuler son agacement.
— Ben, j'ai toujours eu ça, dit le Iop.
— Laissez tomber ! trancha Lirufec. L'important, c'est d'y voir un peu clair dans le noir.
Domy et Mortimer opinèrent du chef pour marquer leur accord. La situation critique les avait calmés et ils ne pensaient plus à leur dispute. Kevlhard fit comme les deux autres en se disant que c'était sans doute ce qu'il fallait faire pour ne pas provoquer une nouvelle bagarre.

Il avait perdu quelques cheveux et avait encore trop mal au crâne pour sortir une ânerie.

Pourvus d'une torche fabriquée grâce aux pierres à feu du Iop, aux poils de Bouftou de l'Osamodas et d'un os de Sram, nos intrépides compagnons se mirent en route avec une torche de fortune. Certes, Mortimer fit quelques difficultés avant de laisser un nouvel os à ses compagnons. Il en avait déjà perdu suffisamment comme cela avec les osselets et autres emprunts. Mais vu qu'ils n'avaient rien d'autre, il dut leur laisser une nouvelle partie de son anatomie.

Nos quatre compagnons ont d'abord exploré la bouche, vaste caverne où ils avaient une vue imprenable sur les dents en granit. Ils sont passés près des molaires avec un soulagement non feint, très contents de ne pas avoir été broyés entre ces meules géantes.
Comme il n'y avait pas d'issue possible au niveau de la couronne dentaire, ils sont partis vers le long couloir de oesophage. Au début, la route semblait facile. Le seul problème venait du Iop : celui-ci s'étonnait d'un rien et semblait devoir faire part aux autres de ses émotions.
— Eh, regardez ! Regardez !!
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Domy.
— On dirait que les ombres bougent toutes seules !
— Non, elles sont déformées à cause de la forme du couloir, expliqua-t-elle.
Ayant obtenu sa réponse, le Iop garda le silence pendant quelques instants avant de le rompre.
— Eh, regardez ! Regardez !! — Qu'est-ce qu'il y a ? le questionna Domy.
— Il y a de l'eau qui tombe du plafond ! Vous voyez ?
— C'est normal. C'est comme dans une grotte, commenta l'Osamodas.
Le Iop se tut à nouveau pour un court instant.
— Eh, regardez ! Regardez !!
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit Domy.
— Le nain est presque aussi grand que moi quand on regarde les ombres ! s'extasia le Iop.
— J'ai déjà dit que je n'étais pas un nain, rétorqua Lirufec d'un air las. Je suis une personne de petite taille. De toute façon, l'important ce n'est pas la taille. C'est ce qu'on en fait. Et du moment que les pieds touchent le sol, c'est bon.
Après la déclaration bougonne de l'Eniripsa, le calme revint.
— Eh, regardez ! Regardez !!
— Qu'est-ce qu'il y a encore ? demanda une nouvelle fois Domy.
— Oh, ben rien, je trouvais ça rigolo, répondit Kevlhard.
— Mais tu ne peux pas te taire un peu ! s'exclama Mortimer.
— Oui, mais ce n'est pas drôle, le silence. Et puis, vous avez de ces têtes ! On dirait que vous êtes inquiets. Mais moi je sais que tout va bien. Je sais que c'est de ce coté, les amis ! Je sais exactement où on va ! C'est juste après le prochain virage !
— Vous savez quelle différence il y a entre un Iop et un voleur ? demanda Mortimer. Un voleur, de temps en temps, ça se repose.
Domy et Lirufec sourirent ; Kevlhard ne comprit pas l'allusion.

***

Plus nos héros avançaient dans le couloir, plus il devenait étroit et humide. La pente s'accentuait et ils faisaient du mieux qu'ils pouvaient pour ne pas tomber tête la première, car ils n'avaient guère envie de sortir de ce lieu avec les pieds devant. Certains endroits étaient polis par des petits graviers qui roulaient vers une destination inconnue, mais irrémédiablement vers le bas.

La gravité régnait vraiment partout de la même façon, que ce soit dans le corps d'un Craqueleur ou le cerveau d'un Iop. Quoique dans ce cas-là, l'attraction n'avait pas grand-chose à attirer vers le sol. Du coup, elle avait parfois tendance à jouer les flemmardes et à ne rien faire.
C'est sans doute pourquoi le crâne de Iop est l'un des espaces où il est le plus facile d'expérimenter l'apesanteur. Encore faut-il pouvoir pénétrer dans un tel lieu... Ce n'est pas parce que les Iops ont le crâne vide qu'ils n'ont pas la tête dure ! C'est aussi pour cette raison qu'on peut sans vergogne leur filer des claques.

— Vous ne trouvez pas que ça sent bizarre ? demanda Mortimer.
— En même temps, on est dans les entrailles d'un Craqueleur, dit Lirufec. Tu ne t'attendais tout de même pas à ce que ça sente la rose ?
— Attention à vos têtes ! s'exclama Domy.
— Oui, mais là on dirait une odeur iodée, comme s'il y avait la nier, répliqua le Sram.
— Aïe! hurla le Iop, qui s'était pris une stalactite en pleine tête.
— Je vous avais prévenus, soupira l'Osamodas.
— J'avais pas compris que tu me parlais à MOOIIIIIIIIII ! hurla Kevlhard qui venait de déraper sur des gravillons.

Entraînés par le poids du Iop, les trois autres compagnons de route essayèrent de freiner leur chute. Mais le couloir était particulièrement raide et les graviers jouèrent le rôle de roulements à billes. Nos héros étaient inexorablement emportés dans la chute. Leur descente dans la piste caillouteuse, étroite et sinueuse était rythmée par des cris. Ils prenaient de la vitesse telle une équipe de bobsleigh perdue dans une montagne russe.
Trop occupés à chercher un moyen de stopper la course ou à diriger les pieds trop odorants du Iop dans une autre direction ou à repousser la tête d'un Lirufec irrésistiblement attiré par des attributs féminins, nos héros remarquèrent à peine leur court passage dans les airs, à la sortie du couloir, juste avant de retomber vers le sol. La pesanteur faisait définitivement bien son travail dans le corps du Craqueleur. Jusque-là tout allait (presque) bien, l'important n'étant pas la chute mais l'atterrissage. Heureusement pour eux, l'estomac du monstre de pierre était rempli d'eau de mer. Au lieu de s'étaler contre des roches avec perte et fracas, ils se contentèrent de sombrer corps et biens.

***

Rassurez-vous, nous n'allons pas perdre ainsi les héros de ce feuilleton ! Il faut bien que le narrateur omniscient ait des choses à relater et sans personnage, c'est toujours plus compliqué. Les quatre compagnons firent un plongeon mémorable et ressortirent la tête de l'eau aussi vite qu'ils le purent pour se retrouver face à un galion abandonné. Vu les squelettes qui l'occupaient et vu que ce n'étaient pas des Srams au régime, nos amis n'avaient guère de doute sur la destinée de ces marins.
— Eh, regardez ! Regardez !! cria Kevlhard.
— Oui, on sait ! rétorqua Domy. C'est un bateau pirate qui est dans le ventre d'un Craqueleur. Ça lui est resté clans l'estomac.
— Non, mais regardez ! Regardez !!
— Quoi ?! répliqua l'Eniripsa, passablement énervé.
— L'eau monte ! hurla le Iop.
Le niveau semblait effectivement monter de manière rapide et un grondement lointain se fit entendre.
— On dirait que le Craqueleur vient de boire, estima l'Osamodas. Faut pas rester ici !
— Mais on va où ? demanda Kevlhard. On est dans une nouvelle grotte.
— Il y a sûrement une sortie quelque part, dit Lirufec. Tout ce qu'il avale d'un côté doit ressortir de l'autre.
— En attendant de trouver la sortie, on ferait peut-être bien de monter rapidement dans le rafiot, conclut Mortimer.

Et c'est ainsi que nos compagnons se retrouvèrent à nouveau sur un navire. Vont-ils découvrir que c'est un bateau pirate commandé par un borgne ? Vont-ils parvenir à survivre au raz de marée qui se profile ? Vont-ils réussir à sortir du ventre du Craqueleur ? Et surtout, par où ? Vous le saurez en lisant le prochain épisode du feuilleton.

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Merci d'écrire dans un francais correct et d'éviter le bwork et le sms.

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