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Chapitre VIII : Où ils auraient préféré qu'on leur pose un lapin

Le 13/04/13, par Mic.

Après un voyage sans encombre sur le bateau de Lily, nos héros arrivèrent sur l'Île des Wabbits. C'est pourquoi il y a peu de choses à dire si ce n'est que le périple marin leur a permis d'accroître leurs connaissances dans divers domaines : Mortimer a appris à aimer marcher sur les cordes entre les haubans et la hune grâce à son poids plume. Lirufec a perfectionné son art du soin par les Mots. Domy connaît désormais plus d'une recette pour agrémenter la patate. Et Kevlhard sait à présent qu'il faut toujours manger de bonnes choses car elles le restent lorsqu'on les régurgite dans les vague suite au mal de mer.

Mettre le pied sur la terre ferme est toujours une expérience épanouissante, surtout après un long trajet en mer à vomir ses tripes, ce qu'il y a dedans, et ce qui peut encore être vomi après que tout ait été expulsé du corps.
C'est pourquoi le Iop affichait un sourire béat et niais (quoique, niais, il l'a toujours été).
Pendant que l'Eniripsa concupiscent essayait de négocier un baiser d'adieu avec la capitaine Lily, Mortimer et Domy s'interrogeaient sur les activités à faire sur l'île des Wabbits.
— Le mousse Lynne m'a dit qu'ici les gens avaient un wégime alimentaiwe twès difféwent. Plus de patates, que des Cawottes !
— Moi, on m'a juste dit que les Wabbits en civet étaient meilleuws qu'en bwochette caw la viande est plus tendwe.
— Tu pawles bizawement Mowt'.
— Non, c'est toi qui pawle bizawement, Domy !
Après une pause, les deux compagnons de route s'écrièrent en coeur : « Myxomawose !!! ».
L'équipage de Lily était vacciné contre cette maladie typique des Wabbits, mais ce n'était pas le cas de nos quatre héros. Du coup, ils avaient cet accent horrible spécifique à la population locale.
— Mais qu'est-ce qu'on va faiwe ? demanda l'Osamodas. Est-ce qu'on a de quoi faiwe une potion ?
— L'Eniwipsa n'a qu'a nous soigner, dit Kevlhard.
— Ben non, cwétin de Iop. Il ne peut pas faiwe ça, sinon, il l'auwait déjà fait ! répliqua Domy.
— Du calme les gaws, il weste twois potions Wabbit dans le bateau. J'ai négocié avec Lily : elle nous les donne pouw sewvice wendu.
— Ah, bah tant mieux pawce que pawler comme ça, c'est pas compwéhensible et ça donne mal au cwâne, répondit le Sram.
— Paw contwe, il y en a un qui n'auwa pas de potion, dit Lirufec.
Mortimer, Domy et l'Eniripsa se retournèrent vers le Iop d'un air interrogateur.
— D'accowd, d'accowd, je ne pwends pas la potion caw, de toute façon, je dis toujouws n'impowte quoi, soupira Kevlhard.
— On n'en attendait pas moins d'un vwai héros, lança le nain pour essayer de le consoler.

Après des adieux aussi rapides qu'un Champ Champ accompagné d'un maître Bolet dans la plaine de Cania, nos quatre amis partirent à la découverte de l'Île des Wabbits.
On leur avait dit que les Wabbits étaient des monstres lagomorphes particulièrement hargneux et agressifs. On leur avait recommandé de ne pas s'approcher de ces animaux, même s'ils semblaient tout petits et tout mignons. On les avait mis en garde contre les attaques des Grands Pa Wabbits (également connus sous le nom scientifique de lapinus cretinus kinéviok) : on a l'impression d'être en face de vieillards grabataires et l'on se retrouve à lutter pour sa vie contre un adversaire cruel et sanguinaire. Après avoir entendu tant de mises en garde, nos quatre compagnons évoluaient avec appréhension sur le sol wabbit.
Ils traversèrent plusieurs clairières sans apercevoir âme qui vive. Au bout de deux heures de marche, ils commencèrent vraiment à s'inquiéter. Ils n'avaient rencontré personne. Aucun Wabbit, aucun aventurier. Le silence était oppressant.
— Dis quelque chose, le nain ! lança Domy.
— Eh ? Pourquoi tu m'agresses ? Premièrement, je ne suis pas nain. Je suis une personne de petite taille. Ensuite, pourquoi je parlerais ? De quoi je suis censé parler ? Ce n'est pas parce que certains de mes semblables ont fait fortune en divertissant les grands de ce monde que je suis un bouffon moi aussi.
Après la réplique de l'Eniripsa, le silence retomba sur nos héros comme une chape de plomb.
Rien, toujours rien.
— Mais pouwquoi y a pewsonne ici ? demanda Kevlhard.
— Bonne question la boîte à converse, répondit Domy du tac au tac pour essayer d'alimenter la conversation.
— C'est pas nowmal, renchérit le Iop en opinant de la tête d'un air convaincu. Suis suw que c'est un piège.
— Qu'est-ce qu'il a dit, le Iop ? demanda Mortimer.
— Que ce n'est pas normal, qu'il y a sûrement un piège, traduisit Domy.
— On aurait dû au moins croiser un animal depuis tout ce temps, poursuivit Lirufec.
— Vwaiment twop bizawe !
— Euh, il a dit quoi le Iop ? s'enquit le Sram.
— Vraiment trop bizarre, qu'il a dit, répondit Domy.
— Bon, on fait quoi ? dit l'Eni. On ne pas continuer à marcher comme ça, non ?
— Wegawdez !
— Il a dit quoi, le Iop ? redemanda Mortimer.
— Regardez, lui répondit Domy.
— Oui, mais où ? interrogea le Sram.
— Wegawdez paw là !
— Je pense qu'il veut que nous tournions notre attention vers la direction sud sud-ouest, commenta l'Osamodas.
— Certes, mais il n'y a rien, répliqua Lirufec.
— Si wegawdez s'énerva le Iop en sautant sur place. J'ai vu des oweilles bougew paw là. Il y avait des oweilles pointues qui ont wemué. Je suis sûw de moi !
— Euh, il a...
— Il a dit qu'il a vu des oreilles bouger toutes seules, coupa Domy avant que Mort ait pu achever sa phrase.

Quatre paires d'yeux fixèrent la direction indiquée précédemment par Kevhlard. Rien. Pas âme qui vive.
— Tu parles d'une aventure, grommela le Sram qui regrettait le bateau de Lily où il s'amusait bien à marcher sur les cordes entre les haubans.
- Si on continue comme ça, on va être sacrés les pires héros de toute l'histoire du Monde des 12, soupira Domy.
C'est sur ces considérations pessimistes qu'une fanfare retentit et qu'une troupe de Wabbits surgie de nulle part encercla nos quatre compagnons. Le Iop émit alors une remarque témoignant de sa grande spiritualité : « Oups ! »

Instinctivement, nos héros de serrèrent les uns contre les autres, prêts à en découdre avec l'ennemi soudainement apparu.
Instinctivement aussi, Domy colla une gifle à Lirufec qui avait plaqué ses mains un peu trop près de ses fesses.
Pendant ce temps, la fanfare Wabbit finissait son air et un Grand Pa Wabbit affublé d'une canne en or s'avança vers les quatre aventuriers.
— Ô toi, gwand seigneuw qui a twavewsé les mews ! Toi, héwo au teint de ciwe et à la cheveluwe cawotte, toi qui est destiné à sauvew notwe peuple de la mowt, sois le bienvenu dans notwe contwée wavagée paw la maladie !
— J'ai wien compwis à ce qu'il a dit, s'exclama le Iop.
— Je crois qu'ils pensent que tu es un messie, dit lentement Domy.
— Mais pourquoi lui ? s'interrogea Mortimer.
— Ça a un rapport avec son teint cireux et ses cheveux roux, répondit Lirufec.
Il est vrai qu'après avoir passé tout le trajet en mer à vomir puis à essayer de vomir, le Iop était particulièrement pâle. On pouvait même voir le réseau des veines sur son visage tant il avait la peau fine et blanche. Certes, il n'avait pas le teint cadavérique que seuls les Srams peuvent arborer avec élégance, mais il fallait reconnaître que sa peau était d'un blanc immaculé, ce qui faisait ressortir ses cheveux couleur Cawotte.
— Demande-lui quels sont les symptômes de la maladie, murmura l'Eniripsa au Iop.
— Euh, pourquoi c'est en cinq tomes ? demanda Kevlhard.
— Bon, ô Grand Pa, le messie demande quels sont les symptômes de votre épidémie, dit Domy au Grand Pa Wabbit, en essayant de garder un air digne pendant que le Sram faisait taire le Iop.
— Nous vomissons beaucoup. Nos enfants sont des nains.
— Non, ils ont sans doute des troubles de la croissance. Mais cela ne veut pas dire que ce seront des personnes de petite taille à l'âge adulte, précisa Lirufec d'un air pincé.
— Poursuivez Grand Pa, ne faites pas attention au lutin, dit en souriant l'Osamodas pendant que Mortimer empoignait l'Eni afin de le faire taire lui aussi.
— Notwe peau est devenue toute sèche et la fouwwuwe se détache paw lambeaux. Notwe gwand Wa Wabbit est lui aussi twès atteint.
Son ventwe a doublé de volume.
Il a tellement mal aux os qu'il n'awwive pas à teniw debout.
— Ecoutez, Grand Pa Wabbit, je suis sure que le messie pourra vous aider mais il est un peu fatigué par le voyage et il doit se reposer. En tant que serviteur du grand messie, nous vous demandons de nous conduire à un lieu de repos.
— Petite mademoiselle, il n'y a pas de pwoblème. Nous fewons honneuw au gwand messie.
— Demande-leur un labo pour analyser la maladie, réussit à dire Lirufec avant que Mortirner ne le baillonne à nouveau.
— Serait-il possible de tenir à notre disposition un lieu de recherche scientifique ? s'enquit Domy qui jouait à merveille son rôle de secrétaire de messie.
— Pas de pwoblème, petite mademoiselle.

***

— Où est passé le Iop ? demanda Mortimer en admirant la bibliothèque wabbite où on les avait placés.
— Il est en train d'être lavé et nourri par les Wabbits, répondit Domy en feuilletant un vieux manuel de recettes wabbites.
Les Wabbits avaient installé l'Eniripsa, l'Osamodas et le Sram dans un laboratoire en sous-sol. Si l'île était déserte, c'était tout simplement à cause de l'épidémie qui forçait les Wabbits à rester alités.
Les aventuriers au courant de la maladie se gardaient bien d'aller sur l'île pour éviter tout risque de contagion. Le bateau de Lily était le seul endroit où la nouvelle ne s'était pas répandue...
Pendant que l'Eniripsa analysait une peau de Wabbit au microscope, les deux autres tuaient le temps en admirant les couvertures.

— Pas étonnant qu'ils aiment Kevlhard. Regarde ça ! lança le Sram en montrant du doigt une couverture abîmée : « Comment servir Iop ». Ces animaux le prennent vraiment pour un dieu.
— À mon avis, ils mangent vraiment trop de Cawottes, affirma Domy en regardant un autre rayon de bibliothèque. Cake aux Cawottes, gratin de Cawottes, purée de Cawottes, Boeuf Cawotte, Cawottes rapées façon Grand Pa... Il n'y a que des recettes de Cawottes, dans ce rayon.
— Eh, mais c'est pas bête du tout ! s'écria Lirufec.
— Pardon ? De quoi tu parles le nain ? demanda le Sram.
— Je ne suis pas nain, sac d'os ! Je suis une personne de petite taille ! hurla l'Eniripsa.
— D'accord, d'accord, nabot, dit Domy pour le calmer. De quoi tu parles exactement ?
— De leur alimentation ! bougonna Lirufec. Je parle de leur alimentation. Ils ne mangent que des Cawottes. Je pense que leur maladie vient de ce régime alimentaire peu varié. Trop de Cawotène nuit. Ils font sans aucun doute de l'hypervitaminose. Le dédoublement de la vision, le volume du ventre lié à des troubles hépatiques voire même une cirrhose, la desquamation, tout cela est lié à cette absorption massive de vitamine A contenue dans les Cawottes. Visiblement, le bêta Cawotène est immédiatement transformé en vitamine par les Wabbits, alors que chez les humains, elle reste à l'état de précurseur du rétinol sous forme liposoluble. Mais pourquoi, vous faites cette tête ? C'est pourtant évident, non ?
— Euh, le nain, on n'a rien compris à ce que tu as dit, murmura Mortimer hésitant.
— Mais tu dois sûrement avoir raison, hein Mort', qu'il a raison, enchérit Domy.
— Bon, laissez tomber, soupira l'Eniripsa. Il suffit de faire en sorte que les Wabbits mangent moins de Cawottes et ils iront mieux. On leur annonce ça et ils font de nous leurs héros. À nous la gloire lança Lirufec. Et je ne suis pas nain, conclut-il en bougonnant.

***

Lorsque les trois amis arrivèrent dans la salle royale, ils comprirent soudain pourquoi les Wabbits étaient considérés comme des créatures redoutables. Près du trône du Wa Wabbit se dressait un immense chaudron posé sur un feu impressionnant.
Le Wa assistait à la scène d'un air malade mais avec l'oeil encore vif (si, si c'est possible puisque le narrateur omniscient a toujours raison). Les Tiwabbits dansaient autour du feu, tandis que des Wo Wabbits touillaient l'intérieur de la marmite géante avec de grandes cuillers en bois. Au milieu du faitout, se tenait Kevlhard, ravi.
Dominette, Lirufec et Mortimer étaient atterrés. Aussitôt, le Sram utilisa son sort d'invisibilité pour se rendre près du Iop et lui parler.
— Mais qu'est-ce que tu fais, tête d'Iop ? demanda Mortimer. T'es fou ? Sors de là ! Tu ne vois pas qu'ils sont en train de te cuire ?
— De quoi tu pawles ? Je pwends un bon bain chaud et ils mettent plein de twucs vewts pouw améliowev, le teint. T'as vu ? J'ai même des jouets qui flottent pouw ne pas m'ennuyew dans la baignoiwe.
Pendant ce temps, Lirufec tentait de trouver un plan de fuite et Domy essayait d'en savoir plus sur la situation.
Dites-moi, ô Grand Pa Wabbit, pourquoi cherchez-vous à cuire votre messie, dit Domy de son air le plus diplomate possible et en adressant son plus grand sourire au Wabbit qui leur avait parlé précédemment.
— Mais c'est twès simple, petite demoiselle. Nous sommes là pouw sewviw le Iop ! Visiblement le messie était surtout là pour faire un bon mezze...
Les Wabbits avaient trouvé tous seuls comment guérir de leur maladie en diversifiant leur régime alimentaire.

Nos héros parviendront-ils à sortir le Iop de sa marmite ?
Pour le savoir, il va falloir mijoter jusqu'au prochain épisode.

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Merci d'écrire dans un francais correct et d'éviter le bwork et le sms.

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